J’ai passé plus de 15 ans dans le bâtiment, et j’ai été des deux côtés de la barrière lorsqu’il s’agissait de se faire payer. Je sais ce que c’est que de se tuer à la tâche et de ne pas voir ses factures payées à la fin du mois parce que le client a disparu et a éteint son téléphone. C’est un sentiment terrible.
Je sais aussi ce que c’est que de recevoir des factures de sous-traitants alors qu’aucun de leurs ouvriers n’a mis les pieds sur le chantier de toute la semaine. Et pire encore, je sais ce que ça fait de devoir dire à des artisans honnêtes qu’il n’y aura pas de paie ce mois-ci parce que le client a fait faillite.
Ces conversations ont été parmi les plus difficiles que j’ai eues dans ma carrière, et j’ai vu et géré les conséquences désastreuses des paiements non honorés. Mais s’il y a bien une chose sur laquelle nous pouvons tous nous accorder, c’est qu’il faut éviter ces situations. Et c’est justement ce que nous allons explorer aujourd’hui.
Il existe de nombreux articles qui parlent de l’augmentation des ventes et de la manière de facturer des marges plus élevées, mais qu’en est-il de la garantie d’être payé intégralement comme stratégie pour rendre votre entreprise de sous-traitance plus rentable ?
Être payé intégralement et à temps ne relève pas seulement de la chance : c’est une question de savoir jouer selon les règles du jeu. Et croyez-moi, c’est bel et bien un jeu. Mais si vous en connaissez les règles, vous pouvez gagner. Et si vous jouez bien, tout le monde en sort gagnant. Allons-y.
Cet article aborde les sujets suivants :
- Connaître le contrat sur le bout des doigts
- Facturer comme un pro
- Rester au courant des demandes de paiement
- Relancer tôt et souvent
- Utiliser le « Paiement conditionné par le réglement du client » en votre faveur
- Retenue de garantie : récupérer ce qui vous est dû
- Réduire les coûts pour augmenter vos marges
- Pire scénario ? Engager une procédure
- Conclusion
Connaître le contrat sur le bout des doigts
Avant même de toucher un marteau, faites-moi une faveur : lisez le contrat. Et je ne parle pas d’un simple survol, comme lorsque vous acceptez les conditions générales de la dernière application que vous avez téléchargée. Je veux dire : lisez-le attentivement, en détail.
Le diable se cache dans les détails : modalités de paiement, clauses de retenue, délais. Si le contrat stipule « paiement sous 60 jours », ne soyez pas surpris de ne pas être payé le même mois que vous envoyez votre facture.
Si quelque chose ne vous convient pas, dites-le. Tout est négociable. Gardez simplement à l’esprit que plus le contrat est important, plus les attentes seront élevées : délais de paiement plus longs, pénalités plus sévères. Si vous souhaitez évoluer dans la cour des grands, il faut accepter d’en suivre les règles.
J’ai déjà travaillé avec un sous-traitant convaincu qu’il serait payé chaque semaine. Il fondait cette certitude sur le fait que « c’était comme ça sur son précédent chantier ». Le jour de paie arrivé, et aucun virement sur son compte, il a appelé furieux. Or, le contrat qu’il avait signé précisait noir sur blanc que les paiements se feraient mensuellement.
Il est arrivé en hurlant, pour se retrouver face à un maîtreur plus qu’heureux de ressortir le contrat portant sa signature. Ce sous-traitant n’avait pas hésité à signer à la hâte pour décrocher le marché, mais était beaucoup moins motivé lorsqu’il s’agissait d’en respecter les conditions.
Vous savez, dans le secteur de la construction, tout est question de trésorerie, au sens littéral. L’argent ne reste pas sur un compte en attendant d’être utilisé. Il circule : de la banque, au maître d’ouvrage, au client, à l’entreprise principale, puis au sous-traitant.
Si vous attendez un paiement de la part d’un entrepreneur, il y a de fortes chances que lui-même n’ait pas encore été payé. C’est ainsi que fonctionne tout le système, malheureusement. La liquidité est précieuse, et elle doit circuler en permanence pour que les projets restent viables. L’astuce n’est pas de résister au courant, mais d’apprendre à surfer sur la vague.
La morale de l’histoire : ce qui compte, c’est ce qui est écrit dans le contrat. Si les conditions ne vous conviennent pas, négociez-les avant de signer. Si l’entrepreneur ne cède rien, demandez-vous si vous pouvez vous permettre d’attendre aussi longtemps avant d’être payé. Si la réponse est non, mieux vaut renoncer.

Photo de Charlie Fitzgibbon
Facturer comme un pro
Si je recevais une pièce à chaque fois que j’ai dû discuter avec un sous-traitant mécontent à propos d’une facture impayée, pour finalement découvrir que la facture était incorrecte, incomplète ou (dans certains cas) même pas soumise…
À l’inverse, je connais aussi le plaisir de travailler avec des sous-traitants organisés, qui remettent leurs documents à temps et, en conséquence, sont toujours payés dans les délais. N’est-ce pas dans ce groupe que vous aimeriez être ?
Nous l’avons tous fait, vous passez la semaine à exécuter les travaux, gérer les équipes, répondre aux clients, commander les matériaux… puis, au moment de soumettre la facture, vous la bâclez à la hâte sur le capot de votre fourgonnette en fin de mois.
Pour un entrepreneur, une facture négligée est l’une des choses les plus frustrantes à gérer, et cela ne profite à personne. Si vous souhaitez être payé à temps sans retard, il faut que les bases soient maîtrisées :
- Informations : indiquez le nom du projet, la référence du contrat et la répartition des travaux effectués. Faciliter la vie du maître d’œuvre facilitera également la vôtre.
- Posez les bonnes questions : renseignez-vous à l’avance sur le format de facture préféré du maître d’œuvre. Sinon, demandez-lui quelles informations doivent figurer sur le document (codes fiscaux, distinction entre main-d’œuvre et matériaux, etc.). Obtenez ces réponses par écrit, ainsi, en cas de litige, vous pourrez prouver que vous avez pris vos précautions.
- Restez simple : optez pour un format clair et facile à lire. Oui, on aime tous apposer notre logo partout, ce qui est bon pour l’image de marque, mais n’en faites pas trop. Beaucoup d’entreprises utilisent désormais des logiciels pour lire et extraire automatiquement les données des factures, et si vous envoyez un document de trois pages rempli d’images, cela complique inutilement les choses. Allez droit au but.
- Relisez-vous : vérifiez qu’il n’y ait aucune erreur : un chiffre incorrect ou une référence manquante peut transformer une tâche simple en un casse-tête. Et puis, si vous envoyez des documents truffés de fautes, que pensera le client de la qualité de vos travaux ?
- Apportez des preuves : si vous avez convenu de paiements échelonnés, joignez des photos de l’avancement du projet. Ne leur laissez aucune excuse pour retarder le paiement. Là encore, il s’agit de simplifier la vie de tout le monde.
- Et par pitié : envoyez la facture à la bonne personne ! Rien ne retarde plus un paiement qu’une facture qui dort dans la boîte mail de quelqu’un qui a quitté l’entreprise depuis six mois. J’ai déjà travaillé avec un sous-traitant qui se plaignait de ne pas être payé. Il s’est avéré qu’il envoyait ses factures à son beau-frère, qui avait le même prénom que le responsable de facturation.
Enfin, aujourd’hui, nous avons à notre disposition une multitude d’applications numériques pour la facturation, le suivi du temps et toutes les étapes de la gestion financière. Servez-vous-en, votre compte bancaire vous en remerciera.
Rester au courant des demandes de paiement
Si vous travaillez dans le cadre d’un système de paiement basé sur l’évaluation, vous devez faire preuve de proactivité. Le maître d’œuvre ne va pas courir après vous pour récupérer vos documents. S’il y a une date limite pour la soumission des demandes de paiement, vous ne pourrez vous en prendre qu’à vous-même si vous la manquez. Une soumission en retard signifie souvent un mois de délai supplémentaire avant le traitement.
Et s’il faut une visite de chantier pour valider le paiement, assurez-vous que votre travail est prêt et irréprochable. Ne leur donnez aucune raison de devoir « revoir les travaux plus en détail ». Le monde du bâtiment peut être impitoyable, alors ne leur donnez aucune raison de rendre les choses plus difficiles qu’elles ne le devraient. Le jour de l’inspection, tout doit être propre, bien rangé et prêt à être évalué.
Un jour, un sous-traitant m’a appelé en panique parce qu’il n’avait pas été payé. Je lui ai demandé s’il avait bien soumis sa demande de paiement dans les temps. Sa réponse ? « Je ne savais pas que je devais le faire. » Il ignorait complètement que son contrat exigeait une soumission formelle d’évaluation avant le 20 du mois.
Quand il s’en est rendu compte, on était déjà le 25. Techniquement, il aurait dû attendre un mois entier avant que sa facture ne soit même prise en compte. Heureusement pour lui, le métreur était de bonne humeur ce jour-là et a accepté de faire une exception, mais ce sous-traitant s’en est tiré à bon compte.
Relancer tôt et souvent
Dans le secteur de la construction, c’est le maillon bruyant qui reçoit de la graisse. Autrement dit, ceux qui se font entendre obtiennent des résultats. Ne restez pas les bras croisés en attendant que la date d’échéance soit dépassée, commencez à relancer le client à l’avance. Un rappel poli une semaine avant l’échéance permet de garder la facture en haut de la pile et montre que vous suivez les choses de près.
Ne craignez pas d’en faire trop. Dans le bâtiment, cette attitude est non seulement normale, mais souvent respectée, car elle témoigne d’une bonne gestion financière.
Si un paiement est en retard, faites-le remonter. Commencez par un rappel professionnel. S’il est ignoré, appelez. En cas d’échec, présentez-vous sur place : rien n’enflamme plus le service des comptes fournisseurs qu’un sous-traitant à la réception avec un café et une question sur sa facture.
Un de mes collègues ne jurait que par ce qu’il appelait le « Rituel du vendredi après-midi ». Chaque vendredi, si une facture était en retard, il se rendait au bureau du maître d’œuvre, s’asseyait à la réception et attendait. Il discutait avec la réceptionniste, faisait la causette à quiconque passait par là et, d’une manière générale, il faisait en sorte que sa présence soit bien remarquée.
Résultat : dans la majorité des cas, quelqu’un du service compta trouvait subitement le temps de traiter sa facture.
Ce n’est pas toujours pratique, et cela ne devrait pas être nécessaire, mais le message est clair : ne vous laissez pas oublier.
Cela dit, restez professionnel. J’ai entendu des histoires de sous-traitants qui ont dépassé les bornes et menacé de détruire leur travail s’ils n’étaient pas payés. Mauvaise idée. C’est une impasse qui, au mieux, vous fera expulser du chantier, sans toucher le moindre centime.
Utiliser le « Paiement conditionné par le réglement du client » en votre faveur
La clause « Paiement conditionné par le réglement du client » permet au maître d’œuvre de retarder le paiement des sous-traitants jusqu’à ce qu’il ait lui-même été payé par le client. En pratique, cela revient à faire reposer le risque de non-paiement sur les sous-traitants, qui peuvent alors se retrouver à attendre indéfiniment si le client tarde à payer, ou refuse tout simplement.
Même si certaines juridictions encadrent, limitent, voire interdisent cette clause, elle reste encore largement utilisée dans les contrats pour justifier des retards de paiement.
Si votre contrat contient une clause de ce type, informez-vous sur vos droits. Dans de nombreux pays, ces clauses ne prévalent pas sur les lois en vigueur concernant les délais de paiement. Dès que vous soupçonnez une activité douteuse, renseignez-vous sur les protections juridiques en vigueur.
Et surtout, si le maître d’œuvre a déjà été payé mais continue de retarder votre règlement, le problème ne vient pas du client mais bien de lui.

Photo de Charlie Fitzgibbon
Retenue de garantie : récupérer ce qui vous est dû
Les retenue de garantie visent à rassurer le client ou le maître d’œuvre sur la livraison effective des travaux par les sous-traitants et la réparation des défauts après la livraison du projet. En réalité, comme beaucoup le savent, elles peuvent servir de levier pour extorquer aux sous-traitants le prix total.
La solution est d’être pleinement conscient de ce qui vous est dû, à quelle date, et de vous assurer que chaque facture ou évaluation soumise montre et rend compte du solde de retenue que vous prévoyez de réaliser à la fin du projet.
Ce document écrit peut servir de preuve en cas de refus de paiement par un maître d’œuvre. Il atteste qu’il a été informé du montant tout au long des travaux et qu’il a donc été validé lors des évaluations mensuelles.
De plus, s’assurer que tous les travaux ou défauts soient traités rapidement et conformément aux normes est une autre façon de garantir que la retenue soit payée en totalité.
C’est la même chose dans les deux sens : les retenues de garantie permettent aux maîtres d’œuvre de garantir que les travaux seront traités avec respect. J’ai participé à des projets où les retenues de garantie n’étaient pas appliquées, et les sous-traitants disparaissaient tout simplement vers la fin du projet, préférant accepter un nouveau contrat plutôt que de perdre du temps à corriger des défauts complexes pour seulement 2,5 %.
Apprendre à respecter les raisons pour lesquelles les retenues sont en place permettra aux sous-traitants de s’assurer de les recevoir intégralement et sans délai.
Notez la date de libération de la retenue sur votre calendrier et agissez avant son échéance. En cas de retard, demandez des explications écrites. Conservez tous vos certificats d’achèvement de travaux et vos confirmations d’absence de défaut. Plus votre argent sera retenu longtemps, moins vous aurez de chances de le récupérer.
Réduire les coûts pour augmenter vos marges
Être payé à temps est une chose, en conserver davantage en est une autre. Réduire les coûts est sans doute le moyen le plus simple d’augmenter les profits. Une réduction des coûts, même de 1 %, peut accroître les profits de manière bien plus significative.
Imaginons que vous êtes une entreprise de toiture et que, en un an, vous réalisez 100 000 $ de travaux. Imaginons également que vous ayez réalisé un bénéfice de 10 000 $, soit une marge bénéficiaire de 10 %, ce qui signifie que vous avez dépensé 90 000 $ en main-d’œuvre, matériaux et autres coûts. Si vous parvenez à économiser seulement 10 000 $ sur ces coûts (soit une réduction de 11 % des dépenses), votre marge bénéficiaire est désormais de 20 000 $. Cela a doublé votre bénéfice net !
Disons-le encore une fois : en économisant 11 % de coûts, votre bénéfice net a augmenté de 100 % !
Pour obtenir la même augmentation de profit en développant l’activité et en remportant davantage de contrats, il faudrait remporter et livrer deux fois plus de travail et porter le chiffre d’affaires à 200 000 $ pour réaliser un bénéfice de 20 000 $. Cela illustre l’importance des économies de coûts et pourquoi elles peuvent être un moyen plus rapide et plus efficace d’augmenter les profits que la croissance des ventes et du chiffre d’affaires.
L’un des moyens les plus simples de réduire les coûts est d’optimiser la gestion du temps de travail de votre équipe. Un moyen simple d’y parvenir est d’utiliser un logiciel de gestion du temps pour la construction pour suivre les heures de votre équipe. Un suivi précis évite les heures supplémentaires inutiles et garantit que vous ne payez que pour le travail réellement effectué.
De plus, ces outils peuvent générer des rapports facturables que vous pouvez envoyer aux clients comme preuve du travail effectué, ce qui rend les litiges sur les coûts de main-d’œuvre beaucoup moins probables.
À mon avis, chercher où vous pouvez économiser des coûts est le moyen le plus rapide pour un sous-traitant d’augmenter sa marge bénéficiaire, et les outils numériques rendent cette tâche plus facile que jamais.
Pire scénario ? Engager une procédure
Si vous avez suivi toutes les étapes et que vous n’êtes toujours pas payé, il est temps de porter l’affaire devant les tribunaux. Les litiges juridiques dans le secteur de la construction sont généralement traités par des avocats spécialisés en droit des contrats, des médiateurs ou des spécialistes en résolution de litiges. Ces professionnels peuvent rédiger des mises en demeure, négocier des règlements amiables ou vous représenter devant un tribunal si nécessaire.
Commencez par consulter un avocat spécialisé en construction ou un notaire expérimenté en litiges de paiement. Vous pouvez également contacter votre organisme local de réglementation des entrepreneurs ou votre association professionnelle, qui pourra vous conseiller sur la résolution des litiges. De nombreux contrats de construction prévoient des mécanismes tels que l’arbitrage, la médiation ou l’adjudication, qui peuvent contribuer à garantir le paiement sans recours à une procédure judiciaire complète.
Le délai dépend de l’approche choisie. Une mise en demeure peut donner des résultats en quelques semaines, tandis qu’une procédure devant les tribunaux de petites créances peut prendre quelques mois. Les actions en justice plus complexes, comme les privilèges ou les jugements, peuvent prendre plus de temps. Le contentieux est la voie la plus lente, s’étendant souvent sur des mois, voire des années ; il est donc conseillé de ne l’utiliser qu’en dernier recours.
Une trace écrite solide est essentielle. Conservez les contrats signés, les factures et les demandes de paiement prêts à être déployés. Les rapports de suivi du temps peuvent servir de preuves essentielles, prouvant les heures travaillées. Utiliser un logiciel de suivi du temps s’avérera donc toujours utile si vous devez prouver votre position dans un litige.
De plus, conservez tous les courriels, les rappels de paiement, les certificats d’achèvement des travaux et les bons de travail signés pour renforcer votre dossier.
L’action en justice est un dernier recours, mais elle est parfois nécessaire. De nombreux entrepreneurs régleront rapidement leur litige lorsqu’ils verront que vous avez les documents nécessaires pour étayer vos réclamations. Agissez vite, persévérez et assurez-vous que vos contrats protègent toujours votre droit au paiement.
Conclusion
Être payé dans le secteur de la construction ne se résume pas à faire le travail, il faut aussi savoir jouer selon les règles du jeu. Votre temps et vos efforts ont de la valeur, et malheureusement, il arrive que vous deviez vous battre pour les faire reconnaître.
Gérez votre activité comme un professionnel, restez organisé, et ne laissez personne vous marcher sur les pieds. Car en réalité, un sous-traitant qui maîtrise ses paiements est un sous-traitant qui reste en activité.